Mercredi 15 février 2023, le Sénat a examiné la proposition de loi visant à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation.
Adoptée en procédure accélérée à l’Assemblée Nationale, la proposition de loi de Frédéric Descrozaille, avait pour objectif affiché de préserver la rentabilité des industriels français approvisionnant les distributeurs en produits de grande consommation, en équilibrant le rapport de forces économique. Elle prolonge certains dispositifs limités dans le temps ayant été introduits par les lois Egalim I et II.
Dans un contexte où les marges sont écrasées par la hausse des coûts de production (inflation, guerre en Ukraine, désordres internationaux…), les négociations commerciales continuent d’être marquées par un climat de grande tension et de déséquilibre structurel entre les parties.
En tant que rapporteure pour la commission des affaires économiques du Sénat, j’ai réaffirmé notre volonté d’établir un cadre législatif plus équilibré, prenant en compte les intérêts des agriculteurs, fournisseurs et distributeurs, comme des consommateurs.
L’enjeu est de taille pour préserver les agriculteurs et les entreprises de nos territoires à un moment où la souveraineté alimentaire devient un défi de société !
En ce sens, le Sénat a modifié le texte sur plusieurs points majeurs :
1/ S’assurer de l’efficacité du SRP+10 en matière de partage de la valeur.
Le Sénat a souhaité un débat de fond sur ce dispositif, singulier à la France et introduit par la Loi Egalim 1 en 2019.
En effet, l’expérimentation du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte sur les produits alimentaires (« SRP+ 10 ») a maintenant 4 ans.
Les rapports révèlent qu’entre 600 et 800 M€ sont prélevés chaque année dans la poche du consommateur sans que l’on constate un « ruissellement » sur la rémunération des agriculteurs.
A ce jour, c’est donc un chèque en blanc de près de 2,8 milliards, versés à la grande distribution, sans contrepartie de partage de la valeur (« ruissellement ») sur les producteurs.
Tirant les conséquences de ce manque d’efficacité et de l’absence de transparence de la part des distributeurs, la commission des affaires économiques avait modifié le texte pour suspendre l’expérimentation, le temps que la période d’inflation sur les produits alimentaires (14%) s’apaise.
Face aux inquiétudes des acteurs qui craignent que cette suspension ne tende encore davantage les négociations commerciales, un nouvel amendement adopté en séance a prévu la prorogation jusqu’en 2025 de l’expérimentation SRP+10 (soit 7 années d’expérimentation !!) en l’assortissant désormais d’un rendu annuel des distributeurs au Ministre et aux présidents des commissions des affaires économiques du Senat et de l’Assemblée nationale, sur leurs usages du SRP+10.
Par ailleurs, cet amendement précise que les fruits et légumes frais sont désormais exclus de l’application du SRP+10, qui a été préjudiciable aux producteurs ces dernières années ; tout en laissant la possibilité au ministre, sollicité en ce sens par une demande d’une interprofession représentative, de faire entrer certains de ces produits dans le champ d’application du dispositif.
2/ Encadrer les « sur-promotions » sur les produits non-alimentaires, préjudiciables à la pérennité des entreprises et des emplois dans les territoires.
La loi Egalim 1 a eu un effet de bord dommageable pour les fabricants de produits DPH (droguerie-parfumerie-hygiène). En encadrant les promotions sur l’alimentaire, les promos « choc/ attractives » parfois jusqu’à 90%, se sont reportées sur le non-alimentaire.
Ces promotions sont financées par les fournisseurs (rarement les distributeurs) qui sont ainsi mis en grandes difficultés financières. De nombreuses PME françaises et des milliers d’emplois sur nos territoires sont en péril !
3/ Rééquilibrer la relation fournisseur/distributeur tout en préservant le principe fondamental de liberté contractuelle (article 3).
La rédaction adoptée en commission du Sénat précise qu’en cas d’échec des négociations au 1er mars, le préavis de rupture doit désormais tenir compte des conditions économiques du marché : c’est-à-dire, par exemple, de l’inflation du coût des intrants, du prix moyen accepté par les autres distributeurs concurrents…. Il s’agit de répondre à une triple inquiétude : celle des PME, qui ne risquent plus d’être déréférencées subitement, puisque le principe du préavis est maintenu ; celle des distributeurs, qui craignent de ne plus être livrés ; et celle des fournisseurs, qui ne sont plus obligés de livrer des produits à l’ancien tarif, c’est-à-dire à perte.
4/ Durcissement du régime des pénalités logistiques, compte tenu des abus qui continuent d’être constatés.
5/ Introduction d’un nouveau dispositif visant à mieux protéger les matières premières agricoles des produits vendus sous marque de distributeur (MDD).
Le texte étant examiné en procédure accélérée, ces différents points seront à nouveau débattus en commission mixte paritaire début mars.